dimanche 20 avril 2014

Les balafrés

Chapelle du Collège des Jésuites
Eu
une invitation de Thibault Le Forestier et du Lycée Polyvalent Anguier
dans le cadre du 6ème Printemps des Poètes
du 22 mars au 21 avril 2013
en partenariat avec l'entreprise Niproglass à Aumale




une video réalisée par Ludovic Hellboid ici


Invité dans le cadre du 6ème Printemps des Poètes, organisé par le Lycée Polyvalent Anguier et la ville de Eu, autour de la notion de cartographie et de territoire, ce sont l'architecture pure et l'histoire de la chapelle du collège qui ont été les clés pour la pensée de ce projet de sculpture, « les balafrés ».

En effet, cette chapelle est riche d'une architecture très dessinée et tout de suite lisible, du fait du vide de mobilier, mise à part la chaire, très appréciable pour la compréhension des vides articulant cet espace.
La composition matérielle du lieu, la pierre et la brique, ainsi que la qualité de lumière ont mis en branle ma réflexion pour une intervention.
L'histoire forte de la construction de la chapelle, elle aussi très présente, sa commande par le couple formé par le duc de Guise, dit Henri le balafré, et sa femme Catherine de Clèves, ont été la seconde composante de ma recherche.
En effet, il est frappant de constater que, mis à part la présence du signe des jésuites et de la croix de malte (qui sont avant tout des signes de pouvoir), l'iconographie religieuse n'existe plus ici, la chapelle n'étant même plus consacrée. La seule histoire que l'on peut lire ici est celle, humaine, qui lia fortement Henri et Catherine, qui termina la construction de la chapelle après l'assassinat du duc à Blois et dont les Cénotaphes sculptés scellent pour l'éternité leur union.
Encore plus tragique, le passage de la balafre bien réelle, présente sur le visage du duc, que l'on retrouve ici sur la figure de marbre de Catherine..

Cette tragique et romantique présence m'a dirigé vers la conception d' un ensemble de deux sculptures, qui judicieusement placées dans la nef, en accord avec l'architecture du lieu, seraient un hommage, une réponse à cette histoire dont les pierres transpirent..

Ma pratique de sculpture, fortement marquée par le choix de matériaux spécifiques, m'incite à chaque nouvelle invitation, à chercher quelle production locale peut être spécifique au contexte. Ainsi, j'ai découvert la vallée de la Bresle et cette production verrière internationalement reconnue.
J'ai pris contact avec l'entreprise Niproglass, fabricante de tubulure en verre notamment pour la pharmaceutique, non loin de là, à Aumale, qui intéressée par ma démarche, à mis à ma disposition un ensemble de tubes transparents et oranges.

Ainsi ces deux verres colorés, cousins du blanc de la pierre et du rouge de la brique, laissant transparaître au mieux la lumière du lieu, assemblés à d'autres éléments en élastomère ont trouvé leur forme dans cette double ligne continue et chaotique, comme une cartographie intérieure du corps et des sentiments qui l'habitent.
Posées sur ces lits-vitraux, les sculptures apportent une brouille visuelle au centre de ce dessin architectural pure.
C'est un sculpture qui dit quelque chose de l'histoire de cette chapelle, de ceux qui l'ont construit, de ce qui la constitue, et plus largement, de ceux qui travaillent sur ce territoire.